La France au défi du terrorisme (2/2)
Mercredi 20 avril 2016, l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS) recevait Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, pour une conférence sur les défis du terrorisme. Lors d’un précédent article la semaine passée, nous avons abordé le contexte géostratégique actuel qui favorise la montée du terrorisme et nous avons cité les mesures nécessaires pour enrayer le terrorisme à l’échelon européen. Voyons désormais quel est le dispositif national de lutte antiterroriste.
Sur le plan national, quelles sont les dispositions prises pour lutter plus efficacement contre les réseaux terroristes ?
Bernard Cazeneuve prend la parole. Sur le plan du renseignement, le dispositif UCLAT (unité de coordination de la lutte antiterroriste) joue un rôle central dans la fluidité du partage du renseignement. L’UCLAT favorise la coordination du premier cercle du renseignement c’est-à-dire la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) avec le second cercle qui comprend le Service central du renseignement territorial (SCRT). De plus, l’EMOPT (Etat-major opérationnel de prévention du terrorisme) a été créé en juin 2015 dans le but d’assurer le suivi des individus en voie de radicalisation. L’EMOPT comprend un personnel varié issu de différents services et c’est pourquoi il s’inscrit dans une logique transversale, de décloisonnement et de partage de l’information. Bernard Cazeneuve constate cependant un manque d’ouverture du ministère de l’Intérieur sur l’université mais aussi sur le ministère de la Défense et sur celui des Affaires étrangères. Ce sont les principaux chantiers qu’il souhaite engager ainsi que celui de la création d’une direction de la prospective au sein du ministère de l’Intérieur. Il rappelle également la signature de conventions avec les grandes entreprises de l’internet dans la Silicon Valley. Selon lui, les résultats sont bons en termes de signalement et de fermeture des blogs faisant l’apologie du terrorisme.
L’état d’urgence est-il efficace ? Comporte-t-il un danger pour les libertés ?
Lors de chaque attentat, les mêmes failles sont pointées du doigt : pas assez de moyens humains et trop de technologie. Or, d’ici la fin du quinquennat, 9 000 emplois auront été créés dans la police et les forces de l’ordre. 1 500 emplois concernent les services de renseignement dont 500 à la DGSI et 500 au SCRT. Selon Bernard Cazeneuve, l’état d’urgence n’est pas un état d’exception qui menace la démocratie. Ce n’est pas une menace de l’état de droit. Il permet de protéger la république mais ne menace pas les libertés publiques. Il permet aussi des perquisitions poussées : 550 armes dont 200 armes guerre récupérées. Il a permis d’expulser 80 prêcheurs de haine ainsi que de fermer des mosquées alors qu’avant 2012, aucune mosquée n’avait été fermée. Toutefois, l’état d’urgence n’est pas l’alpha et l’oméga de la lutte antiterroriste. Il est donc nécessaire de veiller à l’équilibre entre la préservation des libertés et la garantie de la sécurité.
Quid du traitement médiatique des attentats terroristes ?
Bernard Cazeneuve regrette que le débat s’éloigne du respect et de l’esprit de compromis, de l’analyse et de la réflexion pour entrer dans la radicalité et la violence. Après un attentat, certains articles de presse mettent en cause les services de renseignement intérieur. Or aucun service de renseignement européen n’avait identifié ni signalé les individus du 13 novembre comme terroristes (certains étaient seulement connus pour des faits de délinquance). En outre, seulement 2 des assaillants sont de nationalité française. Il ne faut ni chercher à cacher la vérité ni l’instrumentaliser à des fins politiques. Et de conclure : « En matière de terrorisme, la communication doit être rigoureuse et millimétrée ».